Entreprendre son excellence

13.09.2021 - Léna Picard

En 12 ans d’entrepreneuriat, j’ai appris dix mille choses. Sur les autres, sur mon métier et sur moi. J’ai aussi acquis de très nombreuses compétences techniques parfois éloignées de ma formation juridique initiale. C’est une aventure exceptionnelle et extraordinairement fatigante. Pas à cause du travail très dense fourni quotidiennement, ni du stress et des tensions. Tout cela est compensé, ou presque, par l’exaltation des challenges relevés, par l’adrénaline des défis surmontés et par la satisfaction, chaque jour renouvelée, de se sentir en progresser. En fait, ce qui est épuisant, c’est d’être sur tous les fronts, tout le temps, et de ne pas travailler dans son excellence. C’est de répondre sans même y penser à l’injonction permanente de “sortir de sa zone de confort”.

De la zone de confort à l’excellence

La zone de confort, ce sont les contextes externes que nous connaissons : notre monde et nos habitudes tant professionnels que personnels. En sortir, c’est explorer de nouveaux territoires de connaissance. Il s’agit de laisser derrière soi, du moins pour un temps, l’environnement extérieur connu, et donc rassurant, pour aller chercher mieux au-delà. Le message de fond de cette approche est de prendre confiance en soi et en ses capacités. Il ne faut pas s’autolimiter par ses propres croyances. Et si cette idée devait d’abord s’appliquer à la découverte de soi ? Explorer de nouveaux territoires de connaissance intérieurs avant de s’ouvrir vers l’extérieur. Récemment, j’ai arrêté de dépenser de l’énergie pour élargir mon champ d’interaction avec le monde. J’ai décidé d’analyser ma façon de travailler, de tenter de percevoir et de vivre ce que “ j’apporte au monde”.

Qu’est-ce qui est facile pour moi en la matière ? Aie ! Faire dans le facile. Certes, ce n’est pas tendance....Ce n’est pas vendeur. Le « No pain no Gain » est tellement plus efficace. Il sent bon la sueur et l’effort. Il sent le dépassement de soi comme preuve que notre existence vaut quelque chose. Au lieu de cela, si nous nous concentrions sur la connaissance de soi ? Si nous mobilisions nos efforts sur ce que nous faisons naturellement vite, bien, de façon efficace et performante ? Il existe plusieurs approches de l’excellence ou du talent. J’ai, pour ma part, eu la chance de faire le stage de Joël Guillon sur « Le mode Opératoire identitaire et Itératif ».

Attention toutefois car trouver ce mode, l’exprimer et l’accepter, requiert des efforts. Ouf ! Pourquoi ? Parce qu’il vient se heurter à l’image que nous avons de nous, à la valeur que nous accordons à nos compétences durement acquises. Il faut donc surtout accepter de remettre en cause nos évidences de compétences et la valeur que nous leurs accordons. Car il existe pour chacun de nous une façon d’agir et de travailler qui est si naturelle que nous ne la voyons même pas ! C’est un automatisme si ancré qu’il est invisible, caché au fond de notre mémoire procédurale, juste à côté du « savoir-faire du vélo ».

Chercher son excellence, c’est se donner une chance de ne plus être épuisé. C’est aussi savoir s’entourer de l’excellence des autres. Chercher son excellence c’est vivre aligné et avoir sur le monde l’impact le plus juste avec un meilleur retour sur investissement.

Le concept de Mode Opératoire Identitaire Itératif (MO21) est une façon de faire. Il s’agit d’une façon de fonctionner dans l’action. Ce n’est pas une structure mentale qui se parle à elle-même. A l’inverse, c’est un outil, une façon d’agir sur le monde. Nous avons chacun une façon de faire, une ou plusieurs compétences que nous mettons en œuvre de façon totalement automatisée. On peut appeler cela une « super compétence ». Il s’agit du fruit de nos parcours, de nos vécus, de l'inné et de nos acquis. Cette « super compétence » se déclenche dans un contexte particulier, faisant écho à ce qui nous motive, à ce qui est important pour nous. Cela correspond à ces situations où nous prenons du plaisir à effectuer une tâche qui ne nous demande aucun effort et qui produit des effets dont nous sommes satisfaits.

Découvrir son excellence, c’est changer de paradigme

J’ai assisté à cette formation en juillet 2019. Depuis, il me semble difficile de l’ignorer et de revenir en arrière. Pour autant sa pleine exploitation n’est ni évidente ni fluide. Il faut accepter de changer son regard sur soi et sur ses propres compétences. C’est pour moi un vrai changement de paradigme dans ma vie de dirigeante entrepreneure.

Mon excellence est la mise en action des concepts et des mots pour agir sur le monde des entrepreneurs. Ou Philosophe de l’action. Pourtant, je trouve cette expression un peu pompeuse car elle me confronte à un gros souci de légitimité. Dans le même temps, force est de constater que je me reconnais dans ces descriptions et que mon entourage trouve cela normal et logique. Comme s’ils savaient déjà ce que j’ignorais.

Une fois que les mots ont été mis sur mon MO2I, je me suis mise à observer la façon de je fonctionnais. Et oui, c’est vrai, je passe mon temps à emmagasiner des concepts et des théories que je m’empresse d’appliquer aux situations que je rencontre. C’est un réflexe. Je le fais tout le temps et en particulier auprès des dirigeants entrepreneurs chez qui je perçois une tension actuelle ou potentielle. Ce que Joël Guillon appelle le « phénomène déclencheur » chez moi, semble être la souffrance, l’inconfort, les tensions chez les dirigeants- entrepreneurs. Cela me met en action automatiquement. Dans mon esprit les éléments vécus ou conceptuels que je connais s’ordonnent. Ils forment des plans d’actions possibles pour mon interlocuteur. A force d’observation, j’ai réalisé que cela concerne tous les dirigeants. En réalité, je n’en connais aucun sans tension.

Aujourd’hui à 41 ans, je me définis comme une entrepreneure plurielle après une première création d’entreprise revendue puis une seconde création liquidée. J’ai fait la formation excellence juste après cette dernière expérience. Mon objectif était d’avoir une action plus juste, plus efficace, et d’agir au bon moment, au bon endroit avec la bonne force. J’ai été écœurée par le gâchis d’énergie engendré par le modèle de la start-up. A l’inverse, cela m’a donné envie d’être dans une justesse entrepreneuriale pour ma prochaine aventure. Je souhaite travailler mon alignement pour créer ou reprendre une entreprise au sein de laquelle mon excellence aura du sens et sa pleine valeur. Bien sûr, j’y travaille encore. Mais ce qui est certain, c’est que revenir en arrière et ignorer ce en quoi je suis utile ne m’est plus possible à présent. Concrètement, cela commence un peu ici. Partager par écrit mes expériences et la vision que j’ai forgée ces 12 dernières années de ce que pourrait être un entrepreneuriat à la fois audacieux, serein et surtout humain.